LA NUIT DES LORDS

Par Marcabru Dans LA CHANSON DE MARCABRU

La douce folie que de s’endormir.
Blottit dans cette liqueur de plaisir,
Ce soir je suis l’invité naturel
Et heureux d’un rêve dans les castels.
L’atmosphère sombre reste feutrée
Comme un écho bleu surgi du passé.
Autour de la table de chêne épais
Et odorant, face à la cheminée
Des maîtres des légendes je suis l’hôte,
Mes toujours inquiétants amis les Lords.
Ambiance chaleureuse, au-delà des larmes
Mais, un chagrin posé en bout de table,
Je m’attriste vide inquiet et aigri :
« Parle, hurle donc tes prières avides
Sans ton obscur sourire tu sembles ailleurs.
-Je m’enfonce dans l’ivresse et j’ai peur,
Je me sens et je me sais différent
Quand la nuit sur moi allège mes sens,
Ce cristal je ne sais pourquoi la peur
Comme un lourd pressentiment de malheur,
Eclot la force sourde de mon âme,
De ses ténèbres brûlant sous le charme
De la raison. Sur mon esprit de fracas
Le vent des cantiques ne souffle pas,
Mais le feu et la tempête en vertus !
Je sens en moi cet immortel salut.
-Le temps où l’on ait appris quelque chose
Adolescent pervers, folie éclose… »
Me glisse amèrement un Lord spectral
« Ne brise pas les fleurs de ton vacarme. »

Un grondement sourd secoue notre échine
La peur en ma fragilité grandit,
Cette peur qui naît de quelque part
Non loin d’ici, du vieux manoir sournois.

Quelqu’un frappe trois coups lents et entre.
On présente l’inconnu de louanges
Comme le spectre du lac, un fantôme.
« Marcabru », selon le plus vieux des Lords.
Ils me regardent un instant et frémissent,
De ma surprise n’est qu’une seule prémisse.
Le fol s’approche de moi, sanguinaire
Comme une flèche noble me traverse
Affalé dans ma stupeur ne sort plus.
« Mais qui était-ce donc, ce Marcabru ? »
Ma question rôde et agresse le marbre
« Mon ami, ce n’était qu’une étoile noire,
Crois-nous, tu souffriras comme un damné
Et il va falloir apprendre à crier. »
Mon échine se raidit, éreintée
Frappe de sa furie le sol vermeil
Mon frisson courre jusque dans le soleil :
Déjà, je sens ses griffes à l’intérieur
Lacérer ma raison et ma rancœur.
Sur mon cœur le baiser de Marcabru,
Je sors du manoir vibrant et ému.
Je me retourne, mon visage paraît terne
Et je les salue « Amis des ténèbres ! »

décembre 1995

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