LE POÈTE CLANDESTIN

Par Marcabru Dans DECOMPOSITIONS MALADIVES

I – LES FLOTS AMERS DE LA RAISON

De chagrins impurs en révolutions ardentes,
La peine ruisselle dans le bleu de mes veines
Et je regarde autour, images décadentes
D’une aura survoltant le ciel. Larmes sereines
Mon navire rare corsaire et téméraire,
Pirate indomptable de la morale humaine
Et rôde et vogue et fracasse les flots amers.
Etoiles envolées, rire indolent, ma haine
Me force, insolent vers l’horizon obscène ;
Nonchalamment, reflets sourds d’une ombre plus noire
Que le ciel autour, regards ou bien désespoirs
A part moi personne, espérer ou bien croire…

II – NAUFRAGE, QUOTIDIEN

Seul au milieu de l’océan je pleurerai
A se poser tant de questions, écervelé
J’appelle au secours, à l’abordage !
Et je me noie dans les larmes de mon naufrage.
Ma seule gloire ; au-delà même du réel
Ronde d’incertitudes, de tracasseries
Solitudes et rêves éternels du mortel
Impuissant sur cet océan meurtri,
Le doute, la peur dictent ma rage en le ciel.

III – LE NÉANT APERÇU

Pas même un écho sourd, pas même une ombre blanche,
Solitaire face à la plainte de ses hanches
De l’océan muet je suis ivre et perdu.
Sans vivre pourtant ; mort à moi ! Rêve déchu
Je sens une épée plantée au creux de mon âme
Et un pieu enfoncé au cœur de ce drame,
De mon reste d’éternité ; torrents de transes
Surgi de ma liberté, mon indifférence.
Je voudrais être un saint et suivre les croisades
Pour allumer les feux épris d’une naïade.

IV – IMAGES ABASOURDIES

D’éternels refus de ma blême condition
En regards défendus, j’élève une passion
J’accepte les tempêtes et les furies des Dieux
Et de l’océan. Je regarde en moi, si pieux !
Un sentiment curieux se mêle aux ouragans :
Des passions trop fluides, des rêves absents,
Vogue aux vents et marées, vie mon heure et mes gestes.
Mon esprit se décompose comme une peste,
Laisse traîner sa grande crainte sur les mers.
Glisse la peur ! L’oubli au loin jamais la terre.

V – LES PLAINTES DE L’ECHO

Galère divague au grès des Cieux, de ma plume.
La vérité en moi surgit comme une écume :
Muet, si ma vie n’était plus qu’un long soupir
Réflexe ma mort ne sera qu’un bref plaisir.
Rien au-delà des façades il n’y a plus rien.
Blessé, oublié, je n’ose me l’avouer
Oppressé, martelé par ce monde impuissant
Au-delà des mers et de mes désirs incompris
La certitude que je suis un homme, absent.
Mais l’océan est trop grand pour mes pauvres yeux,
Effroi, l’Univers est bien trop vaste pour un Dieu.

VI – INFIDÈLE POÉTIQUE

Poète rebelle, l’idéal n’est qu’éphémère.
Poète clandestin, pensées insondables,
Jamais je ne saurai vous parler de ma mort
De mes océans secrets, de mon triste sort ;
J’ai peur de couler, mais, dernier désir en croix,
Je voudrais parfois emporter le monde avec moi !

VII – LE POÈTE DISPARU

Ma dernière gloire mon dernier vœu céleste,
Dans une cage de soif et d’incertitudes,
La douleur se confond en impuissance suprême :
Le doute.
La peur.
La solitude.
Affronter ma vie, c’est lutter contre ces vagues,
J’émerge, je remonte, mais derrière chaque vague,
Toujours je redescends, je m’écrase et je m’essouffle,
Noyé par le doute et l’écume de mes prières.

VIII – LA SOUFFRANCE ET L’INJURE DE L’EXISTENCE

Ma vie est une pute en quête de vérité,
Mon esprit mécréant un océan d’amertumes :
Poète clandestin, sur ton grand voilier tu dérives !

mai – juin 1989

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